jeudi 7 mai 2015

Gilles, une vie à « faire sa part »

Gilles et Miss Orpi, une poule rousse de race Orpington

Dans la série « Ils font l’Amap », le numéro 2.
(attention, à la fin, il faut cliquer sur Plus d'info » pour avoir la suite…)

Tout dans sa vie l’a amené à aimer le jardin, la campagne, la forêt, et à s’occuper de cultiver et préserver cet environnement. Professionnellement, il s’efforce de tirer le meilleur parti de nos déchets, en polluant le moins possible, et en dépolluant aussi. Chez lui, il cultive un petit jardin potager, s’occupe de six poules resplendissantes, bricole dans la maison et vie sa vie de mari et père de famille comblé par trois filles. Le week-end, il court, dans les bois et la campagne quand il s’entraîne, en montagne pour des trails où l’on va au bout de l’effort. Et il trouve encore du temps à consacrer à notre Amap…

L’écologie a toujours fait partie de sa vie, d’abord grâce au jardinage dont Gilles a acquis le goût dans les pas de son grand-père. « Il s’occupait de quatre potagers différents, un chez lui, deux jardins ouvriers, plus le potager qu’il venait cultiver chez nous. » Son métier était à l’opposé, il réparait les pompes d’une raffinerie ; cette (trop) grande proximité des hydrocarbures lui avait permis de se rendre compte que la chimie n’était pas le meilleur pour la santé, et l’incitait à la prudence avec les engrais et autres intrants ; il préférait faire du compost et ses propres préparations. Sur ses pas, donc, son petit-fils apprenait, regardait faire, aidait un peu, et l’imprégnation a perduré. « Quand on s’est installés avec Sandrine, j’ai tout de suite voulu une maison avec jardin pour pouvoir faire mon potager ; je n’ai pas le temps d’en faire un grand, comme lui faisait pour toute la famille, mais ce petit nous permet d’avoir quelques produits frais. »
Le jeune Gilles n’aimait pas que le potager, mais aussi les balades à vélo dans les chemins creux des bois voisins (il a toujours vécu à la campagne), dont il revenait bien pourvu de châtaignes ou de mûres, selon la saison. « C’était naturel pour moi de vouloir préserver au mieux la terre, la forêt, parce qu’il est essentiel de pouvoir se promener, d’avoir de l’oxygène qui est produit par les plantes. Ça a toujours été un peu ma façon de vivre. »
Tout naturellement l’écologie s’est invitée dans son métier. Enfant, il avait envie d’être menuisier, mais la mode des études régnait encore en souveraine à l’époque (il est né en 1971), et ses parents n’y dérogeaient pas. Ingénieur ? Pourquoi pas. Dans les Eaux et Forêts par exemple, il se voyait bien balader tranquille au milieu des arbres… « J’étais un peu trop dilettante pour les Eaux et Forêt, je suis allé vers une école d’ingénieur, sur Orléans ; de la géologie et de l’hydrogéologie appliquées à l’environnement – recherche des ressources en eaux, forages, traitement de l’eau, des déchets, des sols pollués, etc. » Ce qui l’a amené sur la branche déchet de Veolia où, après le traitement des fumées, le tri des déchets, le compostage, il s’occupe aujourd’hui des décharges, de leur conception à leur fin, du traitement optimal pour l’environnement, de la transformation du terrain quand elles n’y sont plus, avec les activités qui peuvent s’y développer ensuite.
La famille n’échappe pas à la règle de l’écologie appliquée. Certes aucune des trois filles n‘a l’âme jardinière ni de vocation environnementale, mais elles savent éteindre la lumière, fermer un robinet ou ne pas jeter un papier par terre ; et si l’aînée, Zoé (16 ans), envisage de faire médecine, c’est vers l’orthopédie et l’ostéopathie. Gageons que leurs papilles, habituées au goût de succulents légumes, réclameront toujours du bon, du bio. Leur mère, actuellement professeur des écoles dans une maternelle du Val-Fourré, est hydrogéologue de formation. Gilles et Sandrine se sont rencontrés au boulot, au centre de recherches Veolia de Limay. « Je travaillais sur le traitement des fumées, elle faisait une thèse sur les couvertures des décharges. Et maintenant je m’occupe de décharges, son métier d’avant. » Alors ici, on n’utilise pas d’eau en bouteille de plastique – « à part quelques pétillantes » –, on a trouvé une carafe pour filtrer l’eau courante trop chargée en nitrates, on récupère l’eau pluviale dans des cuves, pour arroser le jardin et nettoyer les outils. « Si j’avais fait construire la maison, j’aurais mis un réservoir d’eau pluviale avec un circuit pour les toilettes, la machine à laver. »
Grâce au bio, on peut cuisiner les légumes jusqu’au bout de leurs fanes, mais il y a tout de même des déchets qui vont nourrir le compost et agrémenter le menu de six poules ; elles fournissent en échange un bon contingent d’œufs frais. Les trois chats donnent, eux, de grandes rations de câlins.
Le métier de Gilles est plutôt sédentaire, au moins dans la posture car il se déplace dans toute la France ; mais qu’il soit devant son ordinateur, en réunion ou dans le train, c’est toujours assis, et dans une « boîte », pour reprendre l’image de Pierre Rabhi. Alors son temps libre doit être physique, et au grand air. Heureusement le jardinage est dans ses gênes et lui permet de se « vider la tête » ; « être à l’extérieur, pouvoir toucher la terre, cultiver ses propres légumes, s’occuper de ses poules, tailler ses arbres, c’est une vraie rupture par rapport au travail. » À la rigueur, il restera enfermé pour du bricolage, la maison qu’ils habitent depuis quinze ans à Rosny-sur-Seine lui en sait gré. Mais son sport n’est pas en salle, c’est sur des chemins de campagne, dans les bois et souvent en montagne. 
Ça a commencé il y a dix ans quand, du jour au lendemain, il a arrêté de fumer ; « pour tenir, il fallait que je fasse quelque chose, sous peine de reprendre, et je me suis mis au sport. » Ce fut d’abord le roller – il n’en avait jamais fait –, de façon à « [s’]occuper la tête et les jambes » ; il est entré dans un club, a fait les 24-Heures du Mans en roller, a traversé l’Allemagne en roller, a fait une virée en Hollande… Pour s’entretenir, il s’est mis à courir et y a pris goût ; aujourd’hui, il fait du trail, de « la course à pied sur longue distance en milieu naturel » (merci Wikipedia). Il s’entraîne beaucoup : « Pour ne pas trop empiéter sur la vie familiale, je fais ça tôt le matin ; ce matin, samedi, j’ai couru entre 6 heures ½ et 7 heures ½, demain matin ce sera de 7 heures à 10 heures. Je vais surtout dans la forêt de Rosny, qui est un petit peu pentue, vers un petit village qui s’appelle Bellecôte, ça donne une idée. Le but, c’est d’aller courir en montagne. »
Et il ne s’en prive pas. En mars il était sur le Ventoux, en avril sur la Sainte-Victoire, en mai, c’est Annecy… « Avec des collègues, on se fait des petits week-ends de courses sympas, on voit de beaux paysages, on est en agréable compagnie et on fait de beaux efforts. » C’est que ces petites balades peuvent atteindre 80, voire 100 km. Ainsi, même dans ses loisirs, zéro carbone, le secrétaire de notre Amap est écolo jusqu’au bout des ongles. On peut donc bien dire sans se forcer que Gilles est quelqu’un qui ne rate pas une occasion de « faire sa part », au sens Colibris de l’expression.

Gilles et l’Amap

Dès qu’ils ont entendu parler du système des Amap, Gilles et Sandrine se sont mis en recherche ; une publicité sur un journal local et ils s’inscrivaient… sur la liste d’attente de l’Amap de la Boucle. « Ça correspond bien à notre philosophie de vie. Alors quand, à la fin de la saison, une place s’est libérée, on était super-contents. »
Et deux ou trois ans plus tard, quand la première équipe a demandé à passer le relais, Gilles s’est spontanément proposé. « Les Amapiens, Richard, Agnès, toute cette famille qui s’était créée autour de ce fonctionnement, ça me plaisait bien, je n’avais pas beaucoup de temps pour aller aider à Cravent, par contre prendre une demi-heure le midi au bureau pour mettre à jour le tableau des adhérents, répondre à quelques e-mails, ça, je pouvais faire. » Ce qui ne l’empêche pas d’aller mettre les mains dans la terre quand il en a l’opportunité… Même sans doute il préférerait ainsi faire sa part. Mais il faut faire avec les circonstances, alors parfois dans le train, parfois au boulot, parfois chez lui tard le soir, il scribouille pour nous. Le gros du boulot, c’est novembre-décembre, avec le renouvellement des adhésions, les remplaçants à trouver quand des personnes partent, la relance des ceux qui se sont inscrits sur les forums en septembre. Là justement il a une remarque, car trop souvent quand il rappelle ceux qui avaient lu 20 € le panier, sursautent quand ils voient les 850 € annuels du contrat. « Même si c’est pour 42 à 45 paniers, ils ne voient que le chiffre, qui est important. » On a des arguments, le nombre de panier, le produit bio, et donc le goût, la santé, et l’entièreté du légume qui peut se cuisiner. « Mais cette discussion, il faut l’avoir lorsque l’on a le temps, sur le forum, physiquement face à la personne. Car quand je les relance plusieurs mois plus tard, au téléphone, en soirée, je ne peux pas développer, leur expliquer les contraintes et les avantages. » Il n’a même pas envie de chercher à les convaincre. Quelqu’un qui finit par s’inscrire, vient chercher (ou pas) son panier le vendredi, et repart au bout d’un an en n’ayant jamais mis un pied à Cravent, peu lui chaut. L’Amap, ça se mérite, et il est important de s’intégrer à « la famille ».


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