Au
premier de l’an sonne l’heure des bonnes résolutions pour l’année à venir. En
vous envoyant tous mes vœux pour les plus belles réalisations en 2015, je nous
souhaite de ne pas oublier combien l’Amap est bien plus que le marchand du
coin.
« Nous avons
quand même des Amapiens formidables ! » Et Richard de raconter
comment, en mars 2011, Agnès – qui travaillait avec lui sur l’exploitation
– est tombée malade alors qu’ils étaient dans le gros travail de préparation de
la saison (mise en place de toutes les cultures) et que lui-même a enchaîné, victime
d'un accident du travail avec fracture de plusieurs côtes et traumatisme
cranien. « J’ai envoyé un courriel
de SOS aux deux Amap (Vaucresson et Freneuse) et, dès le lendemain, quatre personnes étaient là, et quatre sont venues
tous les jours pendant cette période de récolte. » Beau mouvement
d’empathie et d’entraide, mais pas que… « Car en fait, ajoute Richard, ce
qui pousse dans mes champs, ce sont vos légumes. Vous n’achetez pas un panier
par semaine, mais une part de récolte. Et c’est pour cela que j’insiste pour
que vous veniez les voir, au moins une fois dans l’année, même si vous n’avez pas
la possibilité de donner un coup de main. »
Nous aussi, il faut le souligner, nous avons un maraîcher
formidable. Non seulement il nous fait pousser toute l’année de délicieux
légumes anciens, des tomates tellement goûteuses que (seul désagrément) on ne
peut plus en manger d’autres ; mais encore il a toujours en tête le souci
de notre intérêt. Au dernier printemps par exemple, du fait des aléas de ce
temps dont on sait tous maintenant qu’il est en train de changer, les plants ont
donné presque toutes leurs fameuses tomates dès le mois de juin (souvenez-vous
des fabuleux paniers) ; mais en même temps, ça voulait dire qu’il n’en
resterait plus pour l’été et qu’il y aurait des trous dans les paniers de
juillet. Ni une ni deux, Richard a ressemé et replanté, sans même penser qu’il
se lésait lui-même en investissement (les graines/plants et traitements –
bio !) et en travail, puisque ceci n’avait pas été pris en compte dans le
calcul de notre part de récolte. Il nous l’a offert.
Comme dans l’idée originelle du teikei (voir article précédent),
ces deux anecdotes soulignent combien ce lien entre agriculteur et consom’acteurs,
bien plus que marchand, est fondé sur l’entente mutuelle, voire l’amitié. Nous
nous sommes inscrits à L’Amap de la Boucle pour des raisons diverses. Certains dans
une démarche éthique, pour « faire
leur part » comme diraient les Colibris, en jouant de son « droit
de vote » de consommateur pour soutenir une agriculture paysanne locale,
donc responsable, non polluante et transparente. Ils apprécient en même temps
de ne plus se ruiner la santé ni le palais sans pour autant mettre à mal leur
portefeuille. D’autres ne sont mus que par cette dernière raison. Sans blâme.
Les recommandations du ventre sont souvent les meilleures, n’est-ce pas notre
deuxième cerveau ? Mais il est tout de même important de connaître également
la philosophie qui sous-tend la structure ; et ce n’en est pas une de
supermarché.
« Cette alliance s’inscrit en tant que dynamique pionnière de contrats
locaux solidaires fondés sur une charte éthique. La spécificité du
développement des Amap est liée au fait qu’elles émargent à l’instar des
teikei dans une dynamique de
resocialisation entre des groupes communautaires locaux. Étant donné que
l’adhérent s’engage auprès du producteur et règle à l’avance un ensemble de
paniers hebdomadaires via un paiement semestriel, trimestriel ou bimestriel selon les
situations, consommateurs et agriculteurs partagent les aléas climatiques et
les contraintes de la production, » écrit Jean Lagane, anthropologue[1].
Et les Amapiens sont un peu responsables du contenu de leurs paniers ; car
à la belle saison, quand tout se met à pousser à profusion et ne peut être
récolté que le jour de la distribution – on est dans le bio local, artisanal et
de qualité, ne l’oublions pas –, les paniers sont d’autant plus pleins, et il y
a d’autant moins de gâchis, qu’il y a eu du monde pour aider à la récolte (pour
info, tous les mardis et vendredi). Même chose pour le désherbage, plus il y a
de petites mains pour le peaufiner, plus abondants et en meilleur état seront les
légumes.
Or, vous l’avez peut-être lu dans le rapport de l’assemblée
générale, seuls 30 % d’entre nous s’impliquent dans l’association comme
nous y engage le contrat. Certes, il faut du temps pour aider, et la vie de
travailleur banlieusard n’en laisse guère. À l’Amap, tout le monde a conscience
de cela. « Bien sûr, on a une vie
dure, ponctue Agnès. Mais vous aussi
vous avez une vie dure, à courir d’un train à un métro, à vous énerver dans les
embouteillages pour un boulot pas toujours réjouissant. » Mais décider
d’aller en famille participer à un dimanche « pique-nique désherbage »,
où Richard nous convie une ou deux fois en juin, c’est une belle idée de
sortie. Les enfants en rencontrent d’autres, vont visiter les ânes, les poules,
et même parfois les mauvaises herbes. On n’est pas obligé de travailler, et choisir
de simplement goûter l’ambiance autant que les plats succulents apportés par
chacun, visiter les serres, aller dire bonjour à « ses »
légumes ; mais si le dos et/ou les articulations ne travaillent pas trop,
s’occuper de la terre vaut bien une séance en salle de sport, avec ce plus
qu’est le sentiment d’avoir participé, si peu que ce soit, à la belle santé de
son panier.
Le jardinage n’est pas non plus la seule façon d’aider ; en novembre, toute une équipe a
aidé Daniel, le boulanger, à construire son abri à sel.
Il y a également la vie de l’association, le stand au Forum
des associations, la gestion des contrats annexes – Tiphaine, qui a créé celui
du pain, demande grâce, elle vient de changer de boulot ; Corine, qui a
déjà ses tâches de présidente, doit assurer celui des œufs-poulets ; et
l’an prochain, il pourrait peut-être y avoir aussi du fromage si quelqu’un peut
s’en occuper. Vous avez certainement déjà vu la liste détaillée qui se trouve
sur le contrat. Alors si vous ne pouvez rien faire, personne ne vous en voudra.
Mais vous devez savoir que, dans la mesure du possible, une participation
profite à tout le monde. On n’est pas du tout obligé ni même sollicité, mais on
peut devenir copains (co-pains) et ce dernier réveillon une quinzaine
d’esseulés de la Boucle se sont retrouvés pour un joli soir de fête.
MLB
[1]
« Du teikei à l’Amap, un modèle acculturé », article de la revue Développement durable & territoires.
On peut le lire dans son intégralité au lien suivant : http://developpementdurable.revues.org/9013#tocto1n2
Bel article intéressant et très complet sur notre AMAP et ce type de système en général . Sympa d'avoir des retours d'Agnès et de Richard aussi . Merci Michèle .
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